La faillite du régime rentier et la réfraction de la démocratie au Tchad

Les prix du pétrole ne cessent de plonger. Ces derniers mois, ils ont perdu près de 50 %. Le baril a rejoint les 50 dollars alors qu’il en valait 115 en juin 2014. Les grands pays producteurs comme l’Arabie Saoudite, la Russie, les Etats-Unis produisent toujours plus de pétrole et les pays consommateurs qui en achètent moins, y compris la Chine, il y a trop de pétrole disponible sur le marché. D’où le plongeon des cours. Quelles sont conséquences de la chute des prix sur le Tchad?

La chute des prix du pétrole est-elle bénéfique pour le Tchad ? L’impact est positif uniquement sur les pays africains qui n’ont pas de pétrole et qui doivent importer des produits pétroliers, leur facture étant moins élevée. Mais il est évidemment négatif sur le Tchad, un pay exportateur de brut, puisqu’il le vend moitié moins cher qu’au moins de juin dernier. C’est à dire autant de devises en moins pour équilibrer le budget ou pour importer des produits de première nécessité car l’économie Tchadienne reste toujours non diversifiée et dépendante sur l’économie du pétrole, c’est à dire le Tchad est devenu un état rentier qui a doublé son PIB grâce au pétrole.

un État rentier est un État qui tire la majeure partie, voire la totalité, de son revenu national d’une rente provenant de ressources indigènes vendues à des clients externes. Les quatre caractéristiques pour définir un État rentier :

  • la prédominance d’une rente de situation ;
  • une économie massivement fondée sur des revenus venant de clients étrangers, ce qui ne nécessite donc pas un secteur productif national fort ;
  • seule une petite partie de la population active est impliquée dans la génération de la rente ;
  • et, le plus important, le gouvernement est le principal bénéficiaire de la rente externe.

La théorie de l’État rentier a été, parmi plusieurs autres, une avancée dans la tentative d’expliquer la prédominance de régimes autoritaires au Moyen-Orient et le manque de démocratie dans la région. Alors que de nombreux pays exportent leurs ressources ou dépendent de l’extérieur pour leur développement économique, les États rentiers se caractérisent par la faible part de revenus provenant de la fiscalité intérieure, l’exploitation de leurs ressources ne les oblige en effet pas à taxer leurs citoyens. Le comportement économique d’un État rentier « incarne une rupture dans la relation travail-récompense […] pour le rentier, le revenu et la richesse ne résultent pas du travail accompli, mais relèvent de la chance ou de la circonstance.

Le régime du MPS au Tchad et son gouvernement des incompétents qui tirent une part significative de leurs revenus de sources qui ne sont pas soumises aux lois du marché ne sont pas obligés d’appliquer les lois du libre échange pour créer un environnement conduisant au développement économique du Tchad. Le pétrole fait l’objet d’une telle demande qu’il ne nécessite pas l’adhésion aux principes de la libre concurrence et de la liberté économique, principes fondés sur la primauté de l’état de droit, la sécurité, un système judiciaire indépendant et des droits de propriété équitables et transparents ; ces principes n’ont donc pas besoin d’être mis en place. Comme conséquence, la liberté politique ne se développe pas et les efforts visant à la démocratisation sont compromis pour continuer à mal gouverner le Tchad à travers une système basé sur le truchement de liens de parenté clanique, de cooptation, d’alliance et d’amitié. En outre, le contrôle de la rente étant aux mains des quelques individus, y compris le chef de l’état en personne, ces dernières peuvent utiliser alternativement la coercition et la cooptation, tandis que la distinction entre l’intérêt collectif de la nation et les intérêts privés de ces individus devient de plus en plus floue.

En conséquence, il y a un défi à tenter de développer la société civile et la démocratisation au Tchad. La nature de l’État rentier au Tchad est une explication à la survie du régime autoritaire qui emploie les revenus des resources pétrolières pour acheter les esprits des tchadiens et leur cooptation.

Le gouvernement est devenu le premier et l’ultime employeur au Tchad et toute un système d’administration parallèle est érigé en multipliant la création des salariés cantonaux comme des clients à ce système basé sur le patrimonialisme. Ce système rend imprécises les frontières de l’État et l’étendue de la société tchadienne. On ne sait plus où commence la société et où finit l’État. On a crée aussi toute une culture dans les esprits de nos jeunes que la fonction publique est le salut et que tous le monde est ministrable et administrateur. La bureaucratie est devenue pléthorique et inefficace, les fonctionnaires formant une classe sociale de rentiers à l’intérieur de la société Tchadienne qui sont devenus des clients qui attendent avec impatience le versement de leurs salaires, plutôt rentes pour approfondir leur dependance sur le Patron à travers la culte de personnalité. Par ailleurs, les pratiques locales telles que la corruption et la cooptation rendent souvent impossible que des acteurs privés puissent opérer de manière indépendante. Cela conduit à une situation où la citoyenneté est réduit en une relation entre patron-client, c’est à dire chef de l’état et ses sujets. ce processus de privation des droits civiques a conduit à la rupture de la relation entre l’État et le citoyen Tchadien/ société Tchadienne qui est toujours en crise sociale pour réclamer ses droits.

Le caractère hautement stratégique du pétrole a conduit à une situation où le régime au Tchad est en mesure d’exploiter la rente pour s’acquérir d’équipements de guerre afin de garantir sa survie, d’assurer la stabilité et la tranquillité afin de continuer à bénéficier de leur rente et acheté l’allégeance des acteurs politiques et sociaux au pays en partageant quelque peu la rentre pétrolière. Une politique étrangère de diversion est poursuivie par le régime, une politique qui est fondée sur les crises suscitées souvent par le régime lui-même afin de détourner la population de leur propre lutte intérieure. Cette technique de diversion est utilisée notamment par le régime quand il se sent  menacé par les troubles intérieurs, par exemple contestation sociale occasionnelle,  pour initier un conflit régional  afin de déplacer l’attention de la nation loin de ces troubles internes. En conséquence, cette technique est utilisée pour contrer la lutte nationale et d’assurer la position de leader et son régime au pouvoir.

Le Tchad est aujourd’hui sur un tournant historique, car les contradictions internes ne cessent de multiplier et les contestations sociales s’accentuent davantage. Est-ce que les Tchadiens sont prêts pour garantir une transition pacifique et éviter l’anarchie totale en cas de chute subite de ce régime? À bon entendeur, salut !

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